La culture de l'avocat pourrait-elle sauver l'eau de Nairobi ?


Le projet RFS du Kenya, le Fonds pour l'Eau dans le Haut Tana de Nairobi, est opérationnel depuis 2015 avec pour objectif d’aider des milliers d'agriculteurs du bassin versant du Haut Tana à récolter l'eau, à conserver les sols et à introduire des cultures plus durables et de grande valeur.

Le présent article a été initialement publié par le  Fonds pour l'environnement mondial. 

Esther Wandia est une reconvertie à la culture de l’avocat.

Il y a deux ans, cette mère célibataire de quatre enfants a décidé de créer une pépinière dans sa ferme de Makomboki, dans une région montagneuse au nord de Nairobi, connue pour sa production de thé.

Tout d'abord, elle a vendu ses cochons et installé près de son poulailler, un bac de récupération d'eau profond de deux mètres. Ensuite, grâce à l'eau de pluie recueillie, elle a commencé à cultiver et à greffer des semis d'avocats Hass pour les vendre aux agriculteurs voisins.

Cette activité qui a commencé comme une simple occupation secondaire a déjà quadruplé ses revenus annuels : le quart d'acre de la ferme que Wandia consacrait à la culture de l’avocat est devenu plus rentable que l'acre utilisé pour cultiver du thé. 

"Il n'y a pas de concurrence. La pépinière rapporte de loin plus de revenus", a-t-elle fait savoir à un groupe de représentants du gouvernement et de la société civile récemment venu de diverses parties de l'Afrique de l'Est pour visiter sa ferme et prendre des renseignements sur sa reconversion.


Plantation de thé. Photo: Françoise Clottes/FEM
Plantation de thé. Photo: Françoise Clottes/FEM

Les plantes cultivées par Wandia et ses voisins sur leurs terres sont cruciales, car les eaux de ruissellement de leurs pentes abruptes conduisent à la source d'eau de la capitale du Kenya, où 60 % de la population n'a pas d'accès fiable à l'eau. 

Les cultures sur les collines qui entraînent l'érosion des sols peuvent augmenter la quantité de limon dans le fleuve Tana et dans d'autres cours d'eau qui alimentent trois barrages artificiels dont l'eau est acheminée par canalisation à Nairobi. Les plantes gourmandes en eau, comme les eucalyptus, qui sont communes dans la région, ajoutent une pression supplémentaire sur le bassin versant où la sécheresse est une préoccupation croissante tant pour les agriculteurs que pour les citadins. 

C’est la raison pour laquelle le Fonds pour l'Eau dans le Haut Tana-Nairobi, un partenariat public-privé appuyé par le Fonds pour l'Environnement mondial (FEM) et géré par The Nature Conservancy, lutte depuis 2015 pour aider des milliers d'agriculteurs du bassin hydrographique du Haut Tana à récolter l'eau, à conserver les sols et à introduire des cultures plus durables et de plus grande valeur comme les avocats Haas, les mangues greffées, les oranges, les fraises et les noix de macadamia. 

Outre l'augmentation des revenus locaux et l'amélioration de la qualité et de la disponibilité de l'eau à Nairobi, cette transition ferme par ferme contribue à apporter des avantages environnementaux mondiaux, notamment une meilleure protection des sols, une séquestration accrue du carbone et une pression réduite sur les forêts et la biodiversité dont elles dépendent.


Bac de récupération d'eau. Photo: Huizhong Yu
Bac de récupération d'eau. Photo: Huizhong Yu

Le Fonds pour l'Eau dépend du financement provenant de parties prenantes en aval - notamment les sociétés de boissons Coca-Cola et East Africa Breweries Ltd - pour réaliser des investissements en amont dans la conservation de l'eau et dans l'agriculture durable. Cette initiative est la première de son genre en Afrique et a depuis été reproduite dans d'autres pays, notamment en Afrique du Sud, au Sénégal et en Éthiopie, ainsi que dans deux autres villes du Kenya 

Parmi les autres investisseurs du Fonds figurent la Société des Eaux et des Egouts de la Ville de Nairobi, la Société de Production d'Electricité du Kenya (KenGen), le gouvernement du Kenya et les gouvernements des comtés de Murang'a, Nyeri, Nyandarua et Laikipia, l'Autorité des Ressources en Eau (WRA), l'Autorité de Développement des Fleuves Tana et Athi (TARDA), Pentair Inc, Frigoken Kenya Ltd, le Centre International d'Agriculture Tropicale (CIAT), le FIDA et le FEM.

Il s'agit de l'un des 12 projets africains du programme ‘Systèmes Alimentaires Résilients’ financé par le FEM et supervisé par le Fonds International de Développement Agricole (FIDA).

Anthony Kariuki, membre de The Nature Conservancy et responsable du Fonds pour l'Eau, a indiqué que son objectif principal était de garantir un approvisionnement en eau de qualité à Nairobi, et de réduire la quantité d'eau que les ménages, les hôtels et les autres entreprises de la ville qui compte 4 millions d'habitants doivent acheter et transporter par jerricans. Il a également ajouté que l'approche intégrée du projet visant à lutter contre les pressions sur l'eau, la terre et l'environnement avait plusieurs avantages tant dans le bassin versant qu'en aval. 

Près du fleuve Tana, des agriculteurs comme Esther Wandia bénéficient déjà de revenus plus élevés grâce aux bacs de récupération d'eau, aux semences et aux semis distribués par le Fonds pour l'Eau par l'intermédiaire de ses partenaires locaux. Les jeunes de la région en récoltent également les fruits grâce à des stages et des emplois pour les jeunes diplômés, ainsi qu'à un marathon annuel appuyé par le Fonds pour l'Eau. Le marathon est organisé pour 65 écoles de la zone du bassin hydraulique et les étudiants participent à la course en segments de relais de 5 kilomètres. Le Fonds pour l'eau a également contribué à la création des clubs de préservation de l'environnement dans les écoles participantes, avec des activités telles que la plantation d'arbres.


Greffe de semis d'avocat. Photo: Laura MacInnis/FEM
Greffe de semis d'avocat. Photo: Laura MacInnis/FEM

À Nairobi, les retombées du projet d'ici 2025 devraient inclure une augmentation de la disponibilité de l'eau pour la ville, avec jusqu'à 27 millions de litres supplémentaires qui coulent quotidiennement et des réserves accrues en amont. KenGen devrait économiser 600.000 dollars par an en évitant les arrêts de ses installations hydroélectriques près de la capitale, grâce à la réduction du lessivage de limon dans les barrages et à l'augmentation de l'approvisionnement en eau. La Société des Eaux et des Egouts de la Ville de Nairobi devrait également économiser 250.000 dollars par an grâce à la réduction des coûts de filtration et d'élimination des boues, car l'eau en amont est plus propre. Chaque dollar investi par le Fonds pour l'Eau devrait en rapporter deux.

 

"Il est moins onéreux d’aborder le problème en amont qu'en aval", a déclaré M. Kariuki, soulignant également que même les plus petits gestes peuvent avoir des effets positifs majeurs pour les agriculteurs, les entreprises et les communautés, ainsi que pour l'écosystème au sens large. "C'est ainsi que se construit la résilience, d’une partie à l'ensemble", a-t-il déclaré.

Yawo Jonky Tenou du FIDA, directeur du programme ‘Systèmes Alimentaires Résilients’ des 12 pays, a affirmé que le projet kenyan était un bon exemple de la manière dont l'investissement des ressources du secteur privé dans les zones rurales peut être avantageux pour la durabilité des entreprises, ainsi que pour la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la préparation au changement climatique, etc.

"Le Fonds pour l'Eau dans le Haut Tana-Nairobi a vraiment contribué à promouvoir les partenariats public-privé qui renforcent la résilience des petits exploitants agricoles", a-t-il ajouté.

Esther Wandia est si optimiste quant à son avenir qu'elle construit une nouvelle maison, plus spacieuse et mieux isolée, sur le terrain de la petite maison dans laquelle elle a élevé ses trois filles et son fils adoptif.

Elle emploie maintenant deux jeunes pour faciliter le greffage des avocats – ces derniers effectuent entre 500 et 700 greffages par jour chacun - et trois autres personnes pendant les saisons de pointe. Son enthousiasme est également contagieux dans le sens où cinq agriculteurs le long de son chemin de terre ont installé d’eux-mêmes des bacs de récupération d'eau comme le sien, et trois fermes voisines ont également créé des pépinières d'avocats depuis le succès de la sienne.

Françoise Clottes, directrice de la stratégie et des opérations du FEM, a déclaré, lors de sa visite à la ferme de Wandia, que ces retombées sur le bassin versant montraient à quel point il est possible de relever les défis environnementaux de manière intégrée et adaptée aux conditions locales.

"C’est inspirant de voir comment une petite productrice comme Esther mène et propage des changements qui renforcent la prospérité locale tout en apportant au monde les améliorations urgentes dont il a besoin en matière d'utilisation des terres, de séquestration du carbone et de durabilité des ressources en eau", a-t-elle précisé. "Voici la beauté d'une approche intégrée du paysage - elle est véritablement adaptée aux besoins locaux et apporte également des avantages environnementaux mondiaux."


Barrage de Ndakaini, principale source d'eau de Nairobi. Photo: Huizhong Yu
Barrage de Ndakaini, principale source d'eau de Nairobi. Photo: Huizhong Yu

Le Fonds pour l'Environnement Mondial organise régulièrement des ateliers régionaux qui réunissent les points focaux des gouvernements et les représentants de la société civile dans le but de discuter des plans et des priorités d'action communs. Ces Ateliers Elargis de Circonscription (ECW) permettent aux partenaires de partager les expériences liées à la mise en œuvre des projets soutenus par le FEM et de visiter les initiatives en cours dans le pays organisateur. L’ECW 2020 pour l'Afrique de l'Est, qui s’est tenu du 18 au 21 février à Nairobi, au Kenya, a vu la participation des représentants du gouvernement et de la société civile des Comores, de Djibouti, de l'Érythrée, de l'Éthiopie, du Kenya, de Madagascar, de Maurice, du Rwanda, des Seychelles, de la Somalie, du Sud-Soudan, du Soudan, de la Tanzanie et de l'Ouganda, et comprenait une visite des projets du Fonds pour l'Eau dans le Haut Tana-Nairobi.


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